DIEU RESSENT LA SOUFFRANCE DES HOMMES

Plusieurs personnes ont demandé suite à l'article sur la violence dans le monde, comment Dieu pouvait ressentir la souffrance des hommes. Il n'y a pas de réponse rationnelle, mais seulement cette conduite de Dieu qui vient, en la personne de Jésus, se solidariser avec ce que nous vivons.

Pour mieux découvrir cette proximité de Dieu avec le mal dont souffrent les hommes, je vous propose cette parabole : "L'homme qui eut pitié de Dieu".

 

Il y a quinze milliards d'années terrestres (même si, pour Dieu, mille ans sont comme un jour, cela fait encore plus de quarante-quatre-mille années de temps divin), le Seigneur Dieu Père se trouvait face au grand choix de son existence : allait-il, oui ou non se lancer dans l'aventure de la création ?

A ses côtés, le Seigneur Dieu Fils avait conscience qu'une fois ce monde mit en marche, à partir de ce big bang dont parlent les savants, c'en serait fini de leur tranquille éternité. Comme un lanceur de poids qui, après avoir engagé toute son énergie, se trouve entraîné par la masse qu'il lance, le Fils sentait bien que l'acte créateur était une  force d'amour qui allait l'entraîner au-delà de toute mesure. 

Entre eux deux, le Seigneur Dieu Esprit n'était pas tant préoccupé par les grandes galaxies. Elles seraient des milliards, toutes plus gigantesques les unes que les autres, mais il n'aurait aucune difficulté à les disposer et à les mettre en mouvement. La grande préoccupation de l'Esprit venait de ce qu'il lui faudrait un jour insuffler un petit amas de molécules qui deviendrait ainsi capable de tenir tête à Dieu. Car, au terme de son projet créateur, le Seigneur Dieu, Trois et Un, prévoyait de faire surgir un jour sur la planète Terre un être qui serait à son image et à sa ressemblance. Toute l'inquiétude divine venait essentiellement de là… 

Et le Seigneur Dieu vit 

Alors, au lieu de tourner son regard vers les êtres de lumière qui l'entouraient, le Seigneur Dieu regarda vers l'avenir et, dans le lointain des temps, il vit. Il vit tout ce dont nous avons gardé souvenir dans la Bible : Adam et Eve et toute leur descendance, Noé et sa femme et toute leur descendance, Abraham et Sara et toute leur descendance, David et Bethsabée et toute leur descendance. Devant son regard se trouvaient ces milliards d'hommes et de femmes par qui la vie humaine allait se multiplier sur la terre, avec les quelques instants de bonheur qu'il leur serait donné de vivre et les longues heures de souffrance qui surviendraient sur eux depuis le début de leur courte existence. 

Le Seigneur Dieu vit tous ces enfants dont la vie serait anéantie dès la naissance ou même avant, du fait de l'imperfection de la matière ou du fait de la destruction par les hommes. Il vit tous ces enfants qui naîtraient atteints de malformation ou de maladies contagieuses, ceux qui n'auraient jamais leur compte de vie, de joie et de bonheur. Il vit tous ceux qui seraient incapables de mener à bien leur développement humain, soit à cause de leur corps ou de leur cerveau mal formés, soit par manque de nourriture ou d'amour, soit en raison de violences et de contraintes dues à la nature ou voulues par les hommes. 

Le Seigneur Dieu vit toutes ces femmes inquiètes non seulement de ce qu'elles risquaient en donnant la vie, mais inquiètes surtout des menaces qui pesaient sur l'avenir de leurs enfants. Il vit des femmes passer leurs nuits à veiller, pleines d'angoisse, dans une lutte farouche contre le mal ou encore offrant leurs bras à l'être aimé pour qu'il y trouve un refuge à l'heure de la mort. Il vit ces gestes par lesquels les femmes ne cesseraient au long des siècles, de crier la douleur de tout l'humanité. Le Seigneur Dieu vit Caïn tuer Abel et, faisant suite à ce combat fratricide, les multitudes d'hommes qui tueraient ou seraient tués au cours des guerres incessantes, ceux qui, pris comme esclaves, seraient soumis à toutes les violences, ces millions d'enfants d'Abraham qui dans les camps de la mort, seraient "industriellement" gazés et brûlés. Il vit aussi deux énormes boules de feu qui, en quelques secondes, anéantiraient deux grandes villes au pays du Soleil levant. Au centre de toute cette souffrance, le Seigneur Dieu vit trois crucifiés. Leurs croix se dressaient sur un rocher près des remparts de Jérusalem. Les Juifs se préparaient à fêter la Pâque. L'un des crucifiés était fils de David, et le Seigneur Dieu Fils sut que c'était lui, ce crucifié. Lui faisant face, la foule conspuait et tournait en dérision ce condamné à mort qui avait nom Jésus de Nazareth. Un court moment, le Seigneur Dieu pensa qu'il valait mieux ne pas créer un tel monde. Tous le tiendraient pour responsable de ces malheurs. Et pourtant, la souffrance de ce monde était présente en lui à la manière dont la souffrance d'un enfant est aussi celle de sa mère. Toute cette souffrance du monde était, bien plus encore, sa souffrance. N'y aurait-il personne pour avoir pitié de lui ? Dans ce cas, à quoi bon se lancer dans cette aventure de la création ? 

Et le Seigneur Dieu entendit 

Pour essayer de chasser loin de lui cette pensée, le Seigneur Dieu ferma les yeux. Mais alors les bruits de l'avenir vinrent frapper ses oreilles, et, venant du lointain des temps, il entendit. C'étaient des cris de joie : les rires d'émerveillement des enfants, les paroles d'amour des jeunes, les mots de tendresse des mamans ; mais il entendit aussi des cris de haine et de colère, des cris jaillis de partout et de tous les temps qui se rassemblaient pour tenter d'écraser le fils de David cloué sur la croix. 

Ces cris de colère et de haine reprenaient en faisant de tous les cris de douleur et de souffrance de tous les hommes une accusation contre le créateur : "Comment peux-tu prétendre être un Dieu d'amour et nous condamner ainsi à cet esclavage du mal ? Si tu es tout-puissant, pourquoi nous as-tu créés avec autant de faiblesse ? Si tu es la vie, pourquoi nous contraindre à mourir ? Pourquoi suis-je malade ? Pourquoi mon enfant a-t-il été tué ? Pourquoi suis-je seul ? A quoi bon une vie dominée par le malheur ? Et le Seigneur Dieu s'entendit dire, au fond de son cœur de Père, Fils et Esprit : "N'y aura-t-il personne pour me dire une parole d'amour ? Lorsque le Fils sera ainsi proche d'être anéanti par le fracas du mal, aucun de mes fils adoptifs, aucun de ces hommes que j'aime tant, ne sera là pour me tendre une main secourable et m'apporter la compassion de son cœur ? Si personne n'a, à ce moment crucial, pitié de moi, je renonce à créer le monde." C'est alors que, sur une des croix dressées à Jérusalem la veille de la Pâque, un des condamnés à mort s'adressa à Jésus de Nazareth qui, à ce moment même, subissait l'écrasement de tout le mal des hommes. Et le Seigneur Dieu entendit cet homme, rejeté de la société et approchant douloureusement de la mort, lui dire simplement sa pitié pour lui. Pour nous c'est juste, nous recevons ce que nos actes ont mérité, mais lui n'a rien fait de mal. (Luc 23, 41). 

Et le Seigneur Dieu s'entendit dire à l'homme, au moment même où il créait le monde : Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis (Luc 23, 43).